Kamal et Christine, son épouse, était en Afrique du Sud, du 5 au 7 novem

Deux montpelliérains ont assisté au tribunal Russell sur la Palestine et en témoignent

«  Puisse ce tribunal prévenir le crime de silence », avait lancé Bertrand Russell en 1966, lors de la création du tribunal éponyme cofondé alors avec Jean-Paul Sartre, pour que la société civile puisse se pencher sur les méfaits de la guerre du Vietnam... Deux ans après la création en 2009 du tribunal Russell sur la Palestine, c'est le même esprit qui a guidé la troisième session de cette instance, qui s'est réunie du 5 au 7 novembre dernier au Cap, en Afrique du Sud.

Montpelliérain et palestinien, militant de longue date pour l'Association des Palestiniens de France, Kamal y a assisté avec son épouse. Tous deux ont tenu une conférence publique organisée par le Collectif 34 pour la Palestine à l'ONU, jeudi soir, à Montpellier, afin de témoigner du déroulement et des conclusions de ce tribunal. Kamal a accepté d'en rendre compte pour Médiaterranée et de nous faire part de son sentiment quant à l'évolution du conflit israélo-palestinien, alors qu'une quatrième session doit se tenir l'an prochain à New York, à proximité du siège de l'ONU. Entretien...

Les deux premières sessions de ce tribunal d'opinion étaient consacrées, en 2009, à la complicité de l'Union européenne et de ses états membres dans la situation imposée par Israël aux Palestiniens, puis en 2010, à la responsabilité des sociétés multinationales dans la colonisation israélienne en Palestine. Cette année, la question était la suivante : « est-ce que les pratiques israéliennes contre le peuple palestinien violent l'interdiction de l'apartheid selon le droit international ? ». Quelles ont été les conclusions apportées à cette question ?
« Après avoir entendu les témoignages et les avis des experts (il y en avait 25 au total, des Israéliens, des Palestiniens, des Européens , des Américains et des Sud-Africains), le tribunal Russell a clairement établi que les pratiques des Israéliens relèvent de l’apartheid. L'occupation des territoires palestiniens et le mur qui encercle la Cisjordanie et qui coupe les Palestiniens de l'accès à leurs terres et à leurs sources d'eau ont été déterminants dans cette qualification. A l'issue de ce constat, plusieurs recommandations ont été préconisées par le tribunal Russell.

Quelles sont-elles ?
Il y en a plusieurs. En premier lieu, le tribunal populaire demande à l’État d'Israël de démanteler son système d’apartheid et d'arrêter la persécution des Palestiniens. Il demande aussi aux pays du monde de faire pression sur l’État d'Israël pour qu'il arrête de traiter les Palestiniens de cette façon. Pour le tribunal Russell, tous les États doivent coopérer pour mettre fin à cette situation illégale et envisager les moyens appropriés afin d'exercer une pression suffisante sur Israël, notamment par l'imposition de sanctions ou la rupture des relations diplomatiques. Le tribunal demande également deux choses, à la Cour pénale internationale : le lancement d'une enquête sur les crimes internationaux commis en territoire palestinien, notamment à l'égard de la situation d'apartheid et de persécution subie par les Palestiniens ; et l'acceptation de la Palestine comme partie au statut de membre dans cette juridiction. La société civile est également invitée à recréer, notamment par le biais du mouvement BDS (Boycott-Désinvestissement-Sanctions), l'esprit de solidarité qui a contribué à la fin du régime d’apartheid en Afrique du Sud. Les dernières recommandations du tribunal Russell s'adressent à l'ONU, avec la demande formulée à son assemblée générale de la création d'un comité spécial contre l’apartheid concernant le peuple palestinien. Le tribunal souhaite également que l'assemblée générale de l'ONU sollicite l'avis consultatif de la Cour internationale de justice afin d'étudier la nature de l'occupation prolongée des territoires palestiniens et la politique d'apartheid. Il demande enfin au comité de l'ONU pour l'élimination des discriminations raciales d'inclure la question de l'apartheid dans sa prochaine analyse.

Toute votre vie a été rythmée par l'évolution (ou la non-évolution) du conflit israélo-palestinien, est-ce que vous avez le sentiment aujourd'hui qu'une résolution rapide du conflit est possible ?
Les choses recommencent à bouger depuis le Printemps Arabe. Ces révolutions dans le monde arabe ont donné le sentiment aux Palestiniens que eux aussi doivent bouger pour résoudre leurs problèmes. L'autorité palestinienne a elle aussi constaté qu'elle devait réagir face à l'absence d'aboutissement des négociations avec Israël depuis 20 ans : elle a compris qu'il fallait s'adresser à l'ONU pour obtenir la création d'un État Palestinien. Du coup, la conscience monte dans les pays des Nations Unies qu'il y a un problème, que le conflit perdure depuis 60 ans et qu'il faut le régler. Les médias d'information et de communication jouent aussi un rôle très important, à cet égard, en faisant connaître la question palestinienne et la nature du conflit israélo-palestinien qui est un conflit territorial et pas religieux, naturellement.

La Palestine a récemment était admise à l'Unesco. Pour vous, c'est un gage d'espoir pour l'avenir ?
Bien sûr, c'est un premier pas vers la reconnaissance d'un État Palestinien. C'était nécessaire qu'un organisme international accepte la Palestine comme membre international. Que l'Unesco l'ait fait, c'est un succès indéniable.

La prochaine étape, ce sera l'ONU ?
Je l'espère. J'espère que la Palestine sera bientôt un membre à part entière de l'ONU ».

Propos recueillis par Nicolas Ethève